Pourquoi la durée de vie des séries se réduit


Friends cartonne toujours sur les plateformes de streaming (Max, en France) trente ans après la sortie du premier épisode. Le paradoxe n’est pas nouveau, mais The Hollywood Reporter pose une autre question : les séries conçues à l’ère du streaming seraient-elles moins faites pour durer ?
“Les candidats aux Emmys 2025 montrent en effet que les séries d’aujourd’hui sont loin d’une telle longévité – on est plus dans les vingt semaines que dans les vingt ans”, analyse le magazine hollywoodien de référence. Le vote pour les nominations à l’équivalent des Oscars pour la télé s’est arrêté le 23 juin.
L’hebdomadaire cite quelques exemples de séries qui ont fait parler d’elles à leur sortie et paraissent désormais lointaines – comme Zero Day sur Netflix, diffusée en février.
Il existe des contre-exemples (Severance sur Apple TV+ ou Andor sur Disney+ qui pourraient bien rester dans les mémoires), mais les statistiques le montrent : la durée de vie des séries se réduit.

Le classement Nielsen, qui fait autorité dans le secteur, indique ainsi qu’en 2021 Netflix affichait un total de dix-neuf séries restées au moins dix semaines dans le top 10 de la plateforme, relate The Hollywood Reporter.
“L’année dernière, elles n’étaient plus que douze. Et cette année, sept séries seulement semblent parties pour se maintenir plus de dix semaines au palmarès.”
Une des explications du phénomène, sur le temps long, est évidente. Les catalogues des plateformes de streaming sont désormais énormes. “L’offre est trop pléthorique pour qu’une production puisse s’imposer durablement parmi tant d’autres”, souligne le journaliste Steven Zeitchik.

L’autre élément à noter est la réduction du nombre des saisons. La cinquième et ultime saison de Stranger Things doit arriver sur Netflix en novembre. Cette longévité paraît exceptionnelle en comparaison avec les autres productions de l’ère du streaming, mais c’est la moitié du nombre de saisons de Friends. Sans compter la réduction drastique et généralisée du nombre d’épisodes dans une saison.
Dans un long article d’analyse, Vulture s’est penché sur les séries en lice pour une nomination aux Emmys.
Le site culturel du New York Magazine montre que la quantité de séries candidates est toujours affectée par les effets de la double grève (des acteurs et des scénaristes) qui avait paralysé Hollywood en 2023. Les chiffres sont passés “de 309 séries en 2023 à 229 en 2024, et en 2025, à une de moins : 228”.
L’autre constat de Vulture est que la compétition sera rude cette année, notamment dans la catégorie du meilleur acteur dans une série dramatique.
Mais ce panorama met aussi en relief la fragmentation de l’offre : les bonnes séries viennent de multiples plateformes rivales.
On peut donc supposer qu’il est plus dur de tenir la distance quand les publics sont eux aussi fragmentés.

Faut-il regretter que les séries ne fassent plus long feu, se demande The Hollywood Reporter ? “On pourrait se dire le contraire et se réjouir de tant de nouveautés.”
Mais c’est un problème pour la stabilité du modèle économique. Et pas seulement, car c’est aussi une question culturelle.
“La télévision, plus encore que d’autres formes de création, nous parle de rapports humains sur le temps long – de personnages qui évoluent à nos côtés, avec nous, et d’intrigues qui résonnent parfois longtemps après la dernière saison, des années plus tard.”—
Courrier International