Les films « moches » et le « cauchemar » du Festival de Cannes : Brigitte Bardot étrille la famille du cinéma

L’ancienne star française a accordé, à 90 ans, une interview à BFMTV. Elle y passe en revue sa carrière d’actrice et se paie le monde de « merdouilles » qu’elle a quitté en 1973.
Quand le « mythe » parle, tout le monde écoute. Brigitte Bardot n’avait pas sa langue dans sa poche, lundi, en accordant une interview à BFMTV, dans sa ferme de Saint-Tropez, où elle se rend chaque après-midi pour travailler. « Je vis comme une fermière, avec mes moutons, mes cochons, mes chiens, mes chats... », lance-t-elle dès les premières minutes de l’échange.
Un échange calme, posé, et dans lequel la formidable actrice, retirée en 1973, s’est prononcée sur de nombreux thèmes. Parmi eux, le cinéma. Un monde dans lequel Brigitte Bardot a brillé jeune, très jeune, avec une première apparition aux côtés de Bourvil dans Le Trou normand (1952) à seulement 18 ans. Quatre ans plus tard, c’est Et Dieu créa la femme, « (Ce film a tout changé) pour moi, confie celle que le monde entier surnomme B.B. C’était un changement positif. J’aime bien les choses positives. » L’actrice affirme toutefois ne jamais y « penser », et n’avoir aujourd’hui « ni remords, ni regrets » d’avoir arrêté sa carrière il y a 52 ans.
« C’était un choix, déclare-t-elle. (J’étais) prisonnière de moi-même. De toute ma vie, je n’ai pas pu aller dans un bistrot, en terrasse... Les gens me reconnaissaient. Prisonnière de moi, c’est terrible ça. Je ne peux pas m’évader. » Elle poursuit : « J’ai toujours voulu quitter avant qu’on me quitte. Le cinéma, je ne le sentais pas bien. Je me sentais partir. Je sentais qu’il n’y avait plus de belles histoires, de jolis scénarios, de bons dialogues, de metteurs en scène... C’est pour ça que j’ai décidé d’arrêter. »
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Cette sensation, Brigitte Bardot dit la ressentir encore davantage quand elle évoque le 7e art à l’heure actuelle. Selon elle, le cinéma ne produit « aucun film bien, c’est que des “merdouilles” ». « C’est une horreur, c’est social, c’est moche, ça ne fait pas rêver. (...) Il ne m’a jamais fait rêver, c’est un cauchemar. Trop de mauvais films, de gens sans importance. Il n’y a plus de magnifiques acteurs… Il n’y a plus rien, quoi », déplore l’ancienne comédienne.
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Dans cet entretien, elle évoque aussi le Festival de Cannes, dont la 78e édition est lancée mardi soir, à 19 heures. Un documentaire, intitulé Bardot, sera diffusé sur la Croisette le 19 mai. « Je l’ai pas vu, remarque sèchement Brigitte Bardot. Ça m’est égal. C’est gentil, mais bon. Non, (je n’irais pas le voir). » La comédienne n’en pense pas moins du festival en lui-même, qu’elle estime être un « cauchemar ». Elle se rappelle toutefois les bons souvenirs de 1953, où elle courait en bikini sur la plage aux côtés de Kirk Douglas, un ami qu’elle dit avoir gardé jusqu’à sa mort en février 2020.
J’ai plus d’amis. C’est un manque. On ne peut pas, à 90 ans, se faire des amis de 50 ans, 40 ans
Brigitte Bardot à BFMTV
Brigitte bardot revient sur ce thème peu de temps après. L’ancienne star du cinéma français remercie avant tout « le bon Dieu de vivre encore en ce moment ». Elle fait d’ailleurs une sorte de métaphore : « Je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup aux choses. J’aime bien méditer sur les choses. La vie des arbres, ça me passionne. C’est joli les feuilles des arbres. On s’en fout, personne regarde. Moi je regarde. » Puis, elle admet que « le plus embêtant quand on vieillit, c’est de perdre ses amis ». « Delon, Belmondo... sont partis, rappelle la nonagénaire. J’ai plus d’amis. C’est un manque. On ne peut pas, à 90 ans, se faire des amis de 50 ans, 40 ans. » Avant d’ajouter, plus tard : « Je pense à la mort depuis que je suis très gamine. Pendant la guerre, j’ai dit à papa “pourquoi je vis ?”. Je devais avoir 9 ans. Je me pense que c’est pour les animaux. »
Depuis son retrait du monde du cinéma, Brigitte Bardot dédie tout son temps aux animaux. Elle en a eu une centaine. Dans sa ferme, elle leur donne tout son amour. B.B confie d’ailleurs que « toutes ses journées sont consacrées à sa fondation ». « C’est unique ma fondation, elle est comme moi », ironise-t-elle. Ces dernières années, le mythe du cinéma, terme qu’elle dit ne pas comprendre, est pris d’une volonté d’abolir la chasse à courre, pratique qui consiste à poursuivre un animal avec une meute de chiens. « Je pars en guerre, lance-t-elle. C’est une horreur, il faut absolument que le gouvernement français accepte de m’offrir, après 50 ans de demande sans réponse, cette victoire. On est le dernier pays d’Europe à pratiquer ce genre de choses (avec l’Irlande, NDLR). On n’a pas le droit.»
Brigitte Bardot poursuit, convaincue : « C’est mon dernier combat. À 90 ans, je ne vais pas recommencer. La France peut prendre une décision qui la ferait un peu briller parce qu’elle n’est pas très belle en ce moment. C’est une belle décision que pourrait prendre Macron. Il partirait sur une belle leçon.» La Tropézienne se paie le président de la République : « (Les responsables politiques) s’en foutent. Il n’y a qu’à voir dans quel état sont les Français. (...) 72 % des Français sont contre la chasse à courre. Ça ne bouge pas parce qu’on a un gouvernement qui ne prend pas de décision, qui n’ose pas faire avancer les choses et qui, jusqu’à présent, ne m’a pas soutenu. Je parle aussi des gouvernements précédents. »
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Brigitte Bardot aurait téléphoné à Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, la semaine passée. Un échange qu’elle semble avoir apprécié. « J’ai eu un rapport amical avec cette femme. J’ai senti son soutien et je l’admire pour la patience qu’elle a et la justesse de ses propos », remarque-t-elle. Mais son combat ne fait que commencer. Après avoir envoyé « un sonotone » à Emmanuel Macron et le premier ministre François Bayrou, pour qu’ils « arrêtent de faire semblant de ne pas entendre », l’icône du cinéma souhaite s’attaquer à la consommation de viande de cheval et au traitement des loups. Elle admet aussi, en guise de conclusion, qu’il n’y a, de toute façon, rien eu de bien en France depuis l’apparition de Brigitte Bardot. Et « ça manque beaucoup », affirme-t-elle sans fausse modestie.
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