Déçus, ces fans réécrivent les scénarios dans des fanfictions “fix-its”


Regarder une série, c’est rencontrer un personnage. Passer du temps avec lui. Et parfois, le voir mourir, parce que le ou la scénariste en a décidé ainsi.
Sauf que certains spectateurs ne supportent pas cette perte. Alors, que font-ils ? Ils réécrivent l’histoire dans des fanfictions “pour essayer de reprendre le contrôle de l’histoire qui [les] a privés de [leur] héros adoré”, répond la thérapeute Larisa Garski dans The New York Times.
Attention : spoileurs sur la deuxième saison de The Last of Us, la troisième saison de The White Lotus et Daredevil : Born Again.
“On voit de plus en plus de fans prendre les chosesen main en écrivant des fix-its
[des scénarios de secours], dont l’objectif est de réparer ce qu’ils considèrent comme des erreurs dans leur œuvre de prédilection. Souvent, c’est aussi une aidesur le plan affectif.”
Le quotidien américain “The New York Times”
![Aimée Lou Wood et Patrick Schwarzenegger, dans “The White Lotus”, saison 3, épisode 8.
“Kensi Bui a écrit une fanfiction ‘Fix-it’ intitulée ‘alittlemoretime’ [‘un tout petit peu plus de temps’], dans laquelle Chelsea parvient à s’échapper de la Thaïlande avec son petit ami Rick (Walton Goggins)”, relate le quotidien américain “The New York Times”.](https://focus.courrierinternational.com/2025/05/12/0/0/1920/1280/480/0/60/0/745f8f5_sirius-fs-upload-1-pn4go0zpnjzc-1747039737288-aimee-lou-wood-patrick-schwarzenegger.jpg/webp)
Ces derniers temps, le monde de la fiction a été bouleversé par la disparition de plusieurs personnages.
Il y a eu Joel au début de la deuxième saison de The Last of Us. Chelsea dans la troisième saison de The White Lotus. Ou encore Foggy dans Daredevil : Born Again.
Sous le pseudo oh_persephone, une certaine Sam Gaitan a publié sur AO3 (un site de fanfictions et autres œuvres de fans) une intrigue de substitution à The Last of Us, dans laquelle “Joel, le personnage principal masculin tant aimé (joué par Pedro Pascal), parvient à ne pas être arrêté et assassiné par un groupe rival”, raconte le quotidien new-yorkais.
“À 5 heures du matin,Sam Gaitan avait écritun récit de 3 761 mots,dans lequel intervenaientJoel et Red, un personnageimaginé par elle, ainsi qu’unscénario de substitutiondans lequel Joel parvientà échapper au sortqui lui est réservédans la série.”
Le quotidien américain “The New York Times”
Il est difficile de connaître le nombre exact de ces fix-its, le référencement étant parfois incohérent.
Mais plus de 50 histoires de The Last of Us étiquetées “fix-its” ont été téléchargées sur AO3 au cours de la semaine qui a suivi la mort de Joel.
Et certains ont la douleur prolixe. Les fictions les plus courtes tournent autour de 300 mots, mais les plus longues s’étirent sur près de 80 000 mots.
Le phénomène n’est pas vraiment inédit. Par exemple, à la mort de Derek Shepherd (Patrick Dempsey) dans la onzième saison de Grey’s Anatomy, des fans écrivaient déjà des versions différentes dans lesquelles le “Dr Mamour” finissait par retrouver son épouse Meredith.

Pourquoi les fans s’évertuent-ils à changer la fin d’une histoire ?
D’abord, “ils peuvent entretenir des liens très profonds avec les personnages d’une fiction ; cela peut finir par former une relation parasociale”, explique le New York Times.
Et pour Larisa Garski, “les relations parasociales peuvent être aussi intenses et importantes que les relations réciproques dans le monde réel. Elles peuvent infliger des souffrances viscérales.”
D’où l’envie de soustraire leurs héros et héroïnes au sort que les scénaristes leur ont parfois réservé.
“Lorsqu’il arrive quelquechose à un personnagequi ne cadre pas avecl’image que les gens s’en fontet qu’ils ont du malà l’accepter, ils ont envied’intervenir et de donnerune autre version de l’histoire.”
Larisa Garski, thérapeute à Chicago, au quotidien américain “The New York Times”
Les fans étant pleins de ressources, ce n’est pas les scénarios différents qui manquent.
“Dans l’une de ces fanfictions, Daredevil offre son âme à Méphisto […] en échange d’un retour en arrière par magie. Dans une autre, le Dr Strange lui lance un sort pour le ressusciter.”


Mais pour Sam Gaitan, la démarche était claire : “J’étais anéantie, et j’avais besoin d’extérioriser ces émotions si fortes.”—
Courrier International