Un nouveau type de supraconductivité non conventionnelle a été observé dans le graphène, promettant de révolutionner l'énergie et la technologie.
Les matériaux supraconducteurs sont aujourd'hui utilisés dans de nombreuses applications, des appareils d'IRM aux accélérateurs de particules, mais ils présentent des limitations, notamment la nécessité de fonctionner à des températures extrêmement basses. Une équipe scientifique a récemment franchi une nouvelle étape pour les surmonter.
Cette recherche repose sur l'observation d' une variante du graphène, un matériau bidimensionnel extrêmement fin, résistant, flexible et léger composé d'atomes de carbone, des propriétés qui le rendent unique.
Les détails sont publiés dans la revue Science , dans un article dirigé par des physiciens du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis. Les supraconducteurs sont comme des trains à grande vitesse.
L'électricité qui « remonte » vers l'un de ces matériaux peut le traverser sans s'arrêter ni perdre d'énergie en cours de route. C'est pourquoi ils sont extrêmement efficaces sur le plan énergétique.
Cependant, les supraconducteurs conventionnels ont une utilité limitée, car ils doivent être refroidis à des températures ultra-basses à l'aide de systèmes de refroidissement sophistiqués pour les maintenir dans leur état supraconducteur.
Si ces dispositifs pouvaient fonctionner à des températures plus élevées, similaires aux températures ambiantes, cela ouvrirait la voie à un nouveau monde de technologies, allant des câbles électriques et des réseaux électriques sans perte d'énergie aux systèmes informatiques quantiques pratiques, détaille un communiqué du MIT.
C’est pourquoi des scientifiques de différents centres étudient des supraconducteurs non conventionnels, des matériaux qui présentent une supraconductivité différente et potentiellement plus prometteuse que les supraconducteurs actuels. C’est précisément ce que décrit ce jeudi dans la revue Science, une « avancée prometteuse », selon ses auteurs.
Plus précisément, les chercheurs font état de nouvelles preuves de supraconductivité non conventionnelle dans une version du graphène appelée graphène trilamellaire torsadé à « angle magique ».
Ce matériau est fabriqué en empilant trois feuilles de graphène d'une épaisseur monoatomique selon un angle spécifique, ou torsion, ce qui permet l'émergence de propriétés exceptionnelles. Ce matériau avait déjà montré par le passé des signes indirects de supraconductivité non conventionnelle et d'autres comportements électroniques inhabituels.
Cette nouvelle découverte apporte la confirmation la plus directe à ce jour que ce matériau présente une supraconductivité non conventionnelle, résume le MIT. Le graphène a été isolé il y a 18 ans par les Russes Andre Geim et Konstantin Novoselov, lauréats du prix Nobel de physique en 2010.
Les propriétés incroyables du graphène ont été mises en évidence dans une seule couche de matériau, mais au fil des années, la communauté scientifique s'est rendu compte que ces propriétés pouvaient changer en superposant deux feuilles.
En 2010, une série d'articles théoriques ont été publiés indiquant que, si en plus de placer deux couches, celles-ci sont pivotées d'un petit angle, les propriétés électroniques sont considérablement modifiées.
Au MIT, sous la direction de l'Espagnol Pablo Jarillo-Herrero — qui a également co-écrit l'article d'aujourd'hui —, ils ont alors commencé à travailler avec du graphène bicouche torsadé, en utilisant initialement des rotations avec de grands angles, qui produisent également des changements intéressants dans les propriétés, puis avec de petits angles, ce qui a apporté la surprise.
Les premiers résultats intéressants sont apparus en 2016, mais ce n'est qu'en 2018 que deux comportements inattendus du graphène torsadé à l'angle magique – nom donné à l'infime angle de torsion utilisé – ont été découverts. Cette nouvelle version du graphène pouvait devenir à la fois isolante et supraconductrice, en alternant entre ces deux propriétés. Ces découvertes ont donné naissance à un tout nouveau domaine : la « twistronique » (twist étant le terme anglais pour torsion).
La nouvelle étude publiée dans Science apporte la preuve d'une supraconductivité non conventionnelle dans une feuille de graphène, cette fois-ci composée de trois couches. Plus précisément, l'équipe a pu mesurer ce que l'on appelle le « gap supraconducteur », une propriété qui décrit la résistance d'un matériau à l'état supraconducteur à certaines températures.
Ils ont découvert que l'écart supraconducteur est très différent de celui des supraconducteurs typiques, ce qui signifie que le mécanisme par lequel le matériau devient supraconducteur doit également être différent et non conventionnel.
Les chercheurs ont fait leur découverte grâce à une nouvelle plateforme expérimentale qui leur permet essentiellement d'observer en temps réel le gap supraconducteur au moment où la supraconductivité apparaît dans des matériaux bidimensionnels.
« Une compréhension approfondie d'un supraconducteur non conventionnel peut nous permettre de comprendre tous les autres », résume Jarillo-Herrero. « Cette compréhension peut guider la conception de supraconducteurs fonctionnant à température ambiante, par exemple, ce qui représente une sorte de Graal pour l'ensemble du domaine. »
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