Un autel Trump à Venise est principalement destiné à provoquer

Andrés Serrano apprécie Donald Trump. Il souhaite donc ériger un monument en hommage au président américain lors de la prochaine Biennale de Venise en 2026. Il a déposé sa candidature pour accueillir le pavillon américain aux Giardini. Mais il y a aussi des calculs à faire.

La provocation est le moyen habituel d'Andrés Serrano pour réussir. Dans ses œuvres précédentes, il a utilisé avec aisance deux thèmes très sensibles aux États-Unis : la religion et la sexualité. Il aime les amalgamer, ce qui lui permet de créer des œuvres d'art imprégnées de scandale.

Il a noyé des statues de la Madone dans du lait et du sang, ou fait voler des éjaculations dans les airs comme l'apparition lumineuse du Saint-Esprit. Il aime travailler avec les fluides corporels. Son œuvre « Piss Christ » – un crucifix dans un récipient en plexiglas rempli d'urine – est considérée comme l'une de ses œuvres les plus controversées. Serrano capture tout cela dans des photographies vibrantes.

Lors de la prochaine Biennale, il prévoit d'ériger une sorte d'autel dédié à Trump : « Je le vois comme un portrait de Donald Trump, peint avec les pinceaux de sa propre vie », a-t-il récemment déclaré lors d'une interview. Serrano collectionne depuis des années tout ce qui touche au président américain : souvenirs du mouvement MAGA, objets décoratifs kitsch ornés de l'effigie de Trump, billets de dollars signés de sa main. L'artiste a même déjà trouvé un titre : « The Game: All Things Trump ».

Pourtant, on a du mal à croire que le photographe américain lève le pouce lorsqu'il s'agit de Donald Trump. Serrano est le fils d'un immigré hondurien et d'une mère afro-cubaine. Alors, que veut-il à Trump, lui qui, après sa dernière investiture, a révoqué le droit d'asile des migrants à la frontière sud des États-Unis ? L'enthousiasme de Serrano pour le joueur politique à la Maison-Blanche est sans doute lié à son propre penchant pour la provocation.

Serrano cultive un véritable culte autour de Trump, comme s'il était une figure religieuse. Ce qui semble le fasciner, c'est que Trump lui-même brise les tabous. En 2022, par exemple, Serrano a réalisé un documentaire sur la prise d'assaut du Capitole à Washington par des partisans de Trump.

Quoi qu'il en soit, Trump semble fournir à Serrano la matière pour une œuvre d'art parfaite. Il possède une certaine dimension de personnage fictif de la culture populaire. Il cultive actuellement son image de showman de la politique mondiale. Auparavant, son auto-dramatisation consistait principalement en son rôle de vedette d'une entreprise immobilière avec hôtels, casinos et complexes de golf, qu'il dirigeait comme une sorte de show-business.

Mais que pense Donald Trump des projets d'Andrés Serrano ? Il n'accorde pas une grande importance à l'art. Il menace le National Endowment for the Arts (NEA) de coupes budgétaires. Lors de son premier mandat, il souhaitait démanteler complètement cette agence, la seule agence fédérale de financement culturel aux États-Unis. Or, c'est cette agence qui décide qui représente les États-Unis à Venise.

Voilà pourquoi Trump pourrait soudainement changer d'avis. Et le plan de Serrano pourrait fonctionner. Son projet flatterait sans aucun doute le narcissique de Washington. Serrano pourrait au moins être assuré du soutien du président. Il se pourrait donc que la prochaine biennale d'art de Trump devienne une sorte de lieu de pèlerinage pour ses partisans et une exposition scandaleuse aux yeux de ses adversaires. Le gagnant serait Andrés Serrano.